La force tranquille de la marche


« J’ai marché, marché, l’esprit en mode primal, vide de toute pensée à l’exception d’une seule : aller de l’avant. J’ai continué jusqu’à ce que mon corps se rebelle et que je ne puisse plus mettre un pied devant l’autre. Alors j’ai couru. » Cheryl Strayed – Wild

Il y’a eu mes premiers pas dont je ne me souviens plus et il y’a eu tout les autres. Les premiers pas symboliques dans mon coeur et ceux dans la forêt où je me sens comme à la maison. Je crois n’avoir jamais trop choisi d’aimer la marche, c’est quelque chose qui m’est apparu comme une évidence. Cette activité si simple est en fait si riche d’enseignement, demandez à n’importe à n’importe quel randonneur. Nul besoin de comparer la symbolique du marcheur et du chemin avec la vie que nous traversons.

Plus d’une fois, je me suis forcée à aimer la course car cela me paraissait plus « efficace » et je me sentais frustrée de ne pas aimer quelque chose qui en jettait tant! Mais le yoga m’a enseigné à écouter mon corps et à comprendre qu’il avait son mot à dire, un rythme qui lui était propre. Et c’est dans l’avancement lent mais certain que je me sentais moi. Je vivais à mon rythme. 

Il y’a eu ces quelques petites randonnées par-ci par-là avec à chaque fois une forte connexion avec la nature sans recherche de prouesse physique bien que ce soit par moment très exigeant. Et puis il y’a toutes ces fois où je décide de marcher par plaisir, pour aller quelque part ou rentrer à la maison. D’une part pour les bienfaits d’un point de vue de la santé et puis d’une autre pour me retrouver. J’essaie de plus en plus de pratiquer cela en silence, sans musique, sans stimulation extérieur. 

Laisser être le silence en soi permet de rallumer sa flamme intérieur (« tejas » en ayurveda qui fait partie de nos trois énergies subtiles avec le prana et ojas) alors qu’on est toujours soit en train recevoir des informations soit d’en donner. C’est pourquoi se laisser vivre et exister au milieu de ce qui est une façon incroyablement effective de se ressourcer. Dans les premiers temps le mental ressasse des pensées en boucle. C’est normal. Et puis naturellement au bout d’un certain temps (variable selon chaque personne) le mental lâche prise et se laisse flotter, s’ouvre à ce qui est autour de lui. À ce moment-là on se retrouve dans l’instant présent. La marche devient un délice, la cadence des pas nous berce et le temps semble disparaître. 

Une autre façon aussi de marcher est d’observer ce qui se passe en nous. Par exemple; lors d’une montée exigeante physiquement quelles sont les pensées qui me traversent? Car si on pouvait exprimer certaines de nos pensées cela pourrait facilement ressembler à ça; « Oh mon Dieu je vais mourrir », « j’y arriverais jamais », « je suis trop nulle, les autres y arrivent et moi pas », « j’abandonne j’arrive plus » ou mon préféré « bon j’en ai bien assez fait, pas besoin d’aller jusqu’au bout ». 

Ces pensées ne sont pas spécifiques à la marche ou à l’effort physique. Ce sont des phrases toutes faites que nous ressortons à chaque fois qu’on se trouve confronté à une difficulté. Ce sont des conditionnements. Et en prenant le dessus sur ses pensées on se prouve que l’on est ni ses pensées ni ses limitations. Bien souvent ces conditionnements peuvent nous faire passer à côté de choses qui nous parlent réellement. Je ne me forcerais jamais à aimer la course et il ne s’agit pas d’un blocage ou d’une pensée limitante mais j’adore la marche ou le yoga même quand c’est dur ou que ce soit « douloureux » (bien qu’il faille définir la différence entre résistance et douleur). C’est pareil dans la vie, cela vaut la peine si on aime quelque chose et que cela nous correspond. Sinon pourquoi déployer autant d’effort? Souvent la réponse réside dans l’ego; vouloir se prouver que l’on peut, qu’on veut faire comme tout le monde etc. Ainsi en étant attentif à ce qui se passe en nous on pratique la pleine conscience. 

La marche c’est aussi un premier changement que n’importe qui peut mettre en place assez aisément afin de s’activer. Si on a pas le temps d’aller faire des randonnées ou de longues promenades, aller simplement au travail ou en ville c’est déjà très bien. Par exemple, pour une jeune maman, une promenade avec son bébé porté à l’aide d’une écharpe, permet de remuscler gentiment le corps tout en favorisant la production d’occytocine à travers le contact rapproché avec son bébé. Et puis quand on souhaite réellement quelque chose on attend pas que cela se présente mais on crée les occasions pour, pour cela, les occasions de marcher ne manquent pas.

Le fin mot n’est pas tant de dire que la marche convient à tous, même si c’est une activité très accessible au plus grand nombre, mais de trouver cette activité qui correspond au rythme de son propre corps. En ce qui concerne la marche, même si j’essaie d’aller régulièrement à pied au travail (surtout avec l’arrivé de la lumière et du soleil) je me rends compte que l’expérience est quelque peu altérée à cause du nombre de voitures qui passent et avec l’odeur des pots d’échappement. Mais avec le temps on trouve des nouveaux chemins, des autres moyens d’avancer. On commence à modifier son regard sur ce qui nous entoure. Je dirais même que plus on marche et plus ça devient facile, tout comme la sédentarité appelle la sédentarité. Si nous ne commençons pas maintenant à bouger, demain ça sera encore plus dur de le faire puisque le corps est voué à vieillir. Autant cette question ne me traversait pas l’esprit à mes 20 ans. aujourd’hui à passé 30 ans il est clair que c’est le moment de me positionner et de choisir quel genre de vie je veux? Quelle importance je donne à ma santé?

Si la marche au quotidien est un excellent pli à prendre, il ne faut pas oublier les longues balades en nature ou les randonnées qui demandent un engagement plus important.

Je ne peux que conseiller de tenter ne serait-ce qu’une fois dans sa vie de partir seule avec un sac à dos se perdre dans la nature, dans sa nature, et ne faire plus qu’un avec ce qui l’entoure afin de comprendre à quel point c’est ainsi que l’on se retrouve, quand on se dissout à travers une activité, se libérant des chaînes du temps et de l’espace.

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